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Toro a fait en sorte que tout ce qui se disait après le « mais » compte

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« Elle n’est pas la nageuse la plus talentueuse au monde. » C’est ce que dit Ben Titley, l’entraineur du centre de haute performance – Ontario, lorsqu’on lui demande de décrire Michelle Toro comme nageuse.

C’est quelque chose qu’elle a attendu plus d’une fois.

« Pas excellente techniquement, » se souvient Murray Drudge, entraineur-chef du North York Aquatic Club.

« Plusieurs entraineurs m’ont dit la même chose, » admet Toro. « Michelle, tu n’es pas faite pour la natation. Michelle, tu n’es pas naturelle dans l’eau. »

« J’ai toujours pris ces commentaires comme une motivation supplémentaire, j’ai compensé d’autres façons. J’étais fière de ma discipline et mon travail ardu. »

Comme tout fan de la série Game of Thrones sait, ce qui vient avant un « mais » ne compte pas vraiment.

« Mais, rien ne pouvait l’arrêter, » a dit Drudge. « Elle était infernale dans l’eau, une nageuse acharnée. Elle a un niveau de détermination incomparable, je n’ai jamais rien vu de telle. »

Mais, son approche et son dévouement envers son entrainement sont de classe mondiale. « Elle a eu un énorme impact positif dans ces domaines sur tous les athlètes avec qui elle a été en contact. »

Toro quitte la natation de compétition, une médaille olympique autour du cou, l’une de ses grandes réalisations venant après le « mais ».

Toro (précédemment Williams, avant qu’elle n’épouse Guillermo Toro, entraineur à NYAC à la fin de 2016) est née en Afrique du Sud, sa famille a déménagé à Toronto lorsqu’elle avait 6 ans. Elle a nagé pour le North York Aquatic Club, puis à 19 ans, elle est allée étudier à l’Univerwsité d’Ohio State, ou elle a étudié en science de l’activité physique.

Elle a obtenu son diplôme en 2014 à l’âge de 23 ans et, dans un monde où l’on voit beaucoup de médaillées adolescentes, elle n’avait encore jamais fait d’équipe nationale sénior avant les Essais d’avril. Elle a réussi à atteindre la 4e place au 100 m libre avec un temps de 55,57. Le Canada fut en mesure de former un relais avec le top 4 pour les Jeux du Commonwealth et les Championnats pan-pacifiques.

« Je pense que j’ai fait l’équipe par 0,03 seconde, au cumulatif, » se rappelle-t-elle. « Je me suis développé tellement tardivement. J’ai dû persévérer. J’ai toujours aimé nager alors je n’ai jamais douté. »

Toro a rejoint le jeune groupe de Ben Titley, alors basé à la piscine de l’université de Toronto. Le CHP a ensuite déménagé dans le nouveau centre sportif panaméricain de Toronto où Sandrine Mainville, Chantal Van Landeghem et Penny Oleksiak l’ont rejoint pour former le noyau du succès canadien aux Jeux olympiques de Rio 2016.

La contribution de Michelle Toro à cette équipe olympique fut inestimable. Avant Rio, elle nageait constamment ses 100 m libre en 54 secondes. Le premier jour de la compétition à Rio, elle était la 3e relayeuse du 4×100 m libre, elle a réalisé une meilleure performance personnelle en 53,73. Mais lorsque Taylor Ruck, âgée de 16 ans, l’a suivie avec un excellent chrono de 53,04, Titley – entraineur-chef aux Jeux olympiques et entraineur des relais féminins, a dû faire face à une décision difficile. Oleksiak n’avait pas nagé en préliminaire et le plan était de l’intégrer au relais en finale. Mainville, Van Landeghem, Toro et Oleksiak s’entrainaient ensemble depuis des mois, mais maintenant Toro devait renoncer à la finale.

« Je pense que le meilleur exemple qui démontre quel genre de coéquipière est Michelle est la façon dont elle a accepté le fait qu’elle ne serait pas de la finale du relais 4×100 m libre aux Jeux olympiques de Rio, » a dit Van Landeghem, qui dit que Toro était la voix de la raison dans le groupe du CHP-Ont.

« Plutôt que de bouder ou nous faire sentir coupable, elle nous a encouragés et nous a dit que nous pouvions remporter une médaille. Je peux comprendre la déception et l’incompréhension que Michelle a dû sentir lorsqu’elle a appris la nouvelle. Tout ce que je peux dire est que cela prend vraiment quelqu’un de spécial pour l’accepter et être en mesure de préparer ses coéquipières pour la plus grosse course de leur vie. Pour cela, je serai toujours reconnaissante envers mes coéquipières. »

Ce n’était pas facile.

« J’ai trouvé un endroit sous un escalier, et je me suis laissé aller, » a dit Toro. « Après ça je me suis dit OK, c’est tout le temps que j’avais pour m’apitoyer sur mon sort. J’ai renversé la vapeur et j’ai décidé d’être là pour l’équipe. »

Toro a pris l’autobus vers la piscine avec les quatre nageuses de la finale, a nagé l’échauffement avec elles et s’est rendu dans la chambre d’appel avec elles. Lorsqu’elles ont remporté la médaille de bronze qui a lancé le succès canadien à Rio, elle fut la première à les féliciter.

« Ça n’aurait pas été différent si elle avait nagé la finale. Cela explique bien comment elle a réagi et comment le reste de l’équipe a réagi, » se rappelle la co-capitaine à Rio Martha McCabe, ancienne coéquipière de Toro au CHP. « Sans aucun doute, une telle situation aurait pu être gérée d’une manière complètement différente. Il y aurait pu avoir toutes sortes de problèmes, du chaos. Je pense que pour notre équipe, en particulier les filles des relais, il n’y avait aucun doute quant à la façon dont cette médaille a été remportée. Ces cinq filles ont contribué à 100 % pour remporter cette médaille. Pour moi, il n’y avait même pas d’histoire à faire, car c’est tout à fait normal. »

Encouragées par Titley, les actions de Toro furent un élément clé de la culture gagnante qui s’est manifesté par cinq autres médailles à Rio, et qui se poursuit encore aujourd’hui.

« En natation, ça prend 5 ou 6 personnes pour remporter une médaille dans un relais et (Ben) m’a aidé à le comprendre, » a dit Toro. « J’ai pu être présente pour l’équipe et pour les filles et je me sentais membre à part entière de cette victoire. C’est ce qu’on encourage chez tous les nageurs de préliminaires maintenant, c’est la nouvelle norme pour les relais canadiens. »

Toro a eu la chance de partager son histoire avec les jeunes nageurs au NYAC lors d’un récent banquet.

« Elle a parlé de son processus pour se rendre aux Olympiques – et remporter une médaille. La moitié des gens présents pleuraient, je pleurais, » se rappelle Drudge. « Lorsque vous êtes témoins d’une histoire de succès et que personne n’y croyait, c’est une preuve de la formidable détermination de cette jeune femme. »

« Ce sera son leg. »

Toro est reconnaissante envers tous les entraineurs qui ont cru qu’elle pouvait accomplir quelque chose de spécial après le « mais ». Elle dit que Drudge est « le premier qui a cru en elle », et se souvient d’un court discours que l’entraineur-chef d’Ohio State Bill Dorenkott avait donné lors du banquet pour les séniors.

« Il a dit : “Je n’ai que 5 mots à dire : Le meilleur est à venir.” Ça a eu beaucoup d’impact. »

Après Rio, Toro a remporté deux médailles en relais aux Championnats du monde (25 m) 2016 Windsor, Ont., dont l’or au 4×50 m libre et le bronze au 4×50 m libre mixte, avec des records canadiens à chaque fois. Elle a ensuite battu Van Landeghem au 50 m libre lors des Essais 2017 et a pris le 10e rang de l’épreuve aux Championnats du monde FINA 2017 à Budapest grâce à un meilleur temps personnel de 24,64.

« Pour moi, elle était une excellente membre de l’équipe qui a su faire preuve de persévérance pendant toute sa carrière, » a dit le directeur de la haute performance John Atkinson. « Elle a représenté son pays avec classe, et a encadré les jeunes nageuses arrivant sur l’équipe nationale. Ce n’est pas passé inaperçu. »

Lorsqu’elle était enfant, elle a reçu plusieurs soins et des traitements continus pour sa fente labio-palatine à l’hôpital SickKids de Toronto. Elle y est retournée à l’automne 2016 avec ses coéquipières de l’équipe olympique Penny Oleksiak et Kylie Masse ainsi que la paralympienne Tess Routliffe pour égayer la journée des enfants malades avec leurs médailles de Rio.

Elle y est allée une autre fois un an plus tard, cette fois en tant qu’étudiante en soins infirmiers à l’Université de Toronto. Bien qu’elle ait essayé de garder un équilibre entre l’école et l’entrainement les premiers mois, sa nouvelle passion l’amène à devoir se concentrer à temps plein sur le prochain chapitre de sa vie. Dans ce programme modifié à haute intensité pour le 50 m libre, Toro n’avait plus le temps pour toutes ces petites routines d’avant et d’après entrainements. Cela est passé inaperçu excepté pour les entraineurs et ses coéquipières.

« J’ai compris que la raison pour laquelle je réussissais bien en natation était parce que je suis du genre à donner mon 100 % dans quelque chose, » dit-elle. « J’étais coupé en deux, j’essayais d’exceller à l’école et à la piscine, mais je n’arrivais pas à faire les deux. »

Son stage à SickKids était son préféré jusqu’à maintenant, mais celui de postpartum et accouchement à Scarborough suit de près.

« J’ai été témoin d’une naissance à mon tout premier jour. J’étais dans la pièce et j’aidais une femme à gérer sa douleur. J’ai pu voir une césarienne, beaucoup de choses que les étudiants font sont les choses dont les infirmières n’ont pas vraiment le temps de s’occuper, alors j’ai pu donner beaucoup de bains aux bébés. J’ai vraiment aimé ça, » dit-elle.

Si elle continue le programme en accouchement, elle suivra les traces de l’Olympienne de 2012 Heather MacLean qui vient tout juste de compléter le programme à l’université de Toronto.

« Je pense qu’elle fera une excellente infirmière, cette profession se colle merveilleusement bien à sa personnalité et son éthique de travail, » a dit Titley.

« Elle sera toujours une part très importante du succès de la natation féminine au Canada. »