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Un vétéran paralympique se retire après une performance record

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Par Marc Durand

Le 9 avril dernier, il s’est rasé, pris le bus et répété sa routine, comme à chaque jour de grande compétition. Mais chaque étape de sa routine s’exécutait avec un sentiment particulier, celui de la « dernière fois ».

C’est dans cet état d’esprit qu’il a réalisé l’une des meilleures performances de sa carrière. Aux Jeux du Commonwealth, à Gold Coast en Australie, Jean-Michel Lavallière a battu le record canadien du 50 m style libre SB7 et son record personnel par près d’une seconde (30,14). Son temps le place tout de même au pied du podium (4e), mais dans la zone média, il est tout sauf abattu : « Lorsqu’on dit qu’on ne peut pas apprendre un nouveau truc à un vieux chien, je viens de prouver le contraire à 27 ans ».

Son entraineur Mike Thompson du Centre Haute Performance de Montréal est aussi très heureux du résultat. « Je suis très fier du travail qu’il a accompli lors de sa préparation pour les Jeux du Commonwealth. Il a fait tout ce qu’il lui était possible de faire, lui qui n’est pas particulièrement doué pour cette épreuve. Il ne quitte pas la natation sur une mauvaise performance, c’est tout le contraire ».

Car ce 50 m aura effectivement été le tout dernier de sa carrière.

« Après les Jeux du Commonwealth, j’ai pris une semaine de repos en sol australien et je me suis surpris à ne pas réfléchir aux prochains objectifs. À mon retour, j’en ai parlé à Mike et à mon équipe d’intervenants et c’est à ce moment que j’ai réalisé que je n’avais pas beaucoup à gagner, sur les plans humains et sportifs, à poursuivre ma carrière jusqu’aux prochains Jeux paralympiques. »

Celui qui détient actuellement 9 records canadiens dans sa catégorie et deux autres en équipe – plus que tout autre nageur canadien – quitte la natation comme il l’a vécu : la tête haute, sans regret.

« J’ai coché plusieurs cases de mes objectifs, dont prendre part aux grands événements multisports. Que ce soit aux Jeux olympiques de Rio dans lesquels j’ai eu la chance de participer à la dernière épreuve des Jeux devant 15 000, les jeux Parapanaméricains devant les miens à Toronto (là où il a remporté 6 médailles d’argent) et les Jeux du Commonwealth ».

Un para nageur déterminé comme pas un.

Rien ne prédestinait ce garçon de Québec à connaitre autant de succès dans la piscine. À sa première compétition nationale, les Jeux du Canada de 2005, il a été disqualifié dans 4 de ses 6 épreuves. « Mes amis Geneviève Saumur, Mathieu Bois et Charles Francis – tous d’éventuels nageurs olympiques – se demandaient ce que je faisais là. J’ai fait le 50 m style libre en une minute ! 13 ans plus tard, j’ai coupé ce temps de moitié. Qui peut en dire autant ? »

« Je n’ai jamais vu un nageur aussi déterminé », raconte son coéquipier Benoit Huot. « En toute franchise, il n’avait pas de talent inné pour la natation. Tout ce qu’il devait faire pour réussir, tous les détails pour s’améliorer, il les prenait au pied de la lettre. Il n’a jamais tourné les coins ronds. Sa détermination et son entêtement lui ont permis d’accéder aux grands Jeux. C’est vraiment tout en son honneur ».

« Jim » est l’un des athlètes le plus dédié que j’ai rencontré » raconte son entraineur Mike Thompson. Il était un atout énorme pour l’équipe et collectivement, nous n’aurions pas connu autant de succès sans sa présence ».

Comme d’habitude, Jean-Michel n’a pas laissé au hasard sa sortie. « Lors des dernières semaines, Mike m’a permis de prendre les choses plus légèrement, en me laissant m’entrainer quelques jours par semaine avec le groupe, et j’ai apprécié cette sortie en douceur. J’en ai profité pour redonner aux jeunes de la relève.

« Je quitte la tête haute, avec un record canadien à un événement majeur. Je fais la blague à mon père, qui n’a pas encore pris sa retraite malgré ses 63 ans » !

Né avec une hémiparésie qui touche tout son côté gauche, soit son bras, sa jambe et ses muscles abdominaux, Jean-Michel a trouvé dans la natation un passeport pour une vie active et normale. « La pratique de mon sport m’a permis de mieux connaitre mon corps, à le maitriser, et à profiter de tout ce que la vie m’apportait. J’ai aussi développé un réseau de contacts à travers le monde qui pourra me permettre de voyager ».

Jean-Michel dit qu’il va surtout s’ennuyer des camps d’entrainements, de la camaraderie et de l’énergie qui se développe lors de ses rendez-vous. « Je les verrai encore, mais ce ne sera plus avec cet objectif commun de dépassement ».

Après avoir étudié en intervention sportive à l’Université Laval, il complètera cet automne un baccalauréat en kinésiologie. Avec son bagage d’athlète de haut niveau, il aimerait consacrer sa carrière professionnelle au sein de la communauté sportive comme directeur technique par exemple. Cet été, il déploie son énergie au Centre Claude-Robillard avec Excellence Sportive de L’Ile de Montréal. (ESIM). Il a le mandat d’organiser le Rendez-vous ESIM des athlètes et de voir à la mise en place d’équipes de soutiens pour les athlètes identifiés « relève » et « élites ».

Son ami Benoit Huot le voit grandir très rapidement dans cette nouvelle carrière.

Lavallière promet d’y aller une étape à la fois, comme dans la piscine, avec  toute la détermination qu’on lui connait.

« J’ai été le centre d’attention de plusieurs intervenants pendant 16 ans. Je me vois très bien redonner aux suivants pour les 40 prochaines années ».